Dos poemas de CATHERINE ANDRIEU
Traducidos del francés
por Miguel Angel Real
Extractos de “Nouvelles lunes”, Ed. du Petit Pavé, 2013
NEGACIÓN
¿Cuánto tiempo hace que la sangre no ha corrido entre tus muslos?
Planea el fantasma de la madre que te golpeaba y te encerraba en el armario.
Tú, hermanita, sola en la oscuridad, ojos abiertos pupilas bicolor
Gritabas. Yo te apretaba tanto contra mí que te hubiera asfixiado.
Callabas entonces. Y después para mí los largos pasillos blancos
Las puertas batiendo las cámaras de aislamiento cerradas a doble llave.
Palapaciones y electrochoques. Preguntas sin respuestas.
Haldol.
Planea el fantasma de la madre que terminaba las botellas y rompía el vidrio
Contra tus muñecas. Callabas más.
Yo estaba tras tu muro de silencio con las pupilas descoloridas a la escucha
De la noche que avanzaba sobre el crepúsculo, del odio que le vencía a la noche.
E invocaba al ángel de luz con relámpagos rojos y negros, a la tierra
Húmeda que gruñe y escupe los cuerpos que absorbe en chorros sulfurosos.
Vomitabas territorios enteros que yo recogía en mis manos de
Geógrafo.
Leía los Cantos de Maldoror. Encendía velas y practicaba
Encantamientos. Misas negras. Para que por fin te dejara, ella, la loca
Que destruía tus paisajes con una sola mirada de lava incandescente.
Hermanita, ángel mío, te invoqué pues como tú fui destronada
Por no haber conocido sino cólera y vergüenza. La revuelta de estar viva y ver
Con un don de visión doble.
¿Cuánto tiempo hace que el agua no ha corrido entre tus muslos?
Quería protegerte de la noche que avanza sobre el crepúsculo, del odio
Que le vence a la noche.
Pero ahí está el muro, entre tú y yo
Entre tú y yo.
Y hay largos pasillos blancos y manojos de llaves.
Las píldoras que me tomo y que hacen vacilar tu imagen. Ese hombre de blanco, que me dice que hace tres años Que estás muerta.
CARROÑA
Hurgabas en mí, tu ojo al filo del sexo. Yo, exhumada de la tierra húmeda, fría. Los restos de lo que yo era. Una carroña.
Alisabas mi cráneo calvo entre tus manos.
Había bebido el filtro, volver era para siempre, incluso de entre los muertos.
Revivir la misma escena.
Estar condenada a ello.
Contemplabas mis órbitas, te perdías en adivinaciones.
El ojo al filo del sexo. Abierto.
La pupila, raja vertical, estaba salpicada de luna.
Como un bajel muerto sobre las olas de plata del río del olvido.
No podía verte, porque ya no tenía ojos. Pero mi memoria abofeteada estaba intacta. Yo era tu cosa, y todo mi cuerpo disperso, inmóvil.
Yo no sentía, pero lo recordaba todo. La violación, aquella noche. El rumor de los árboles. Los reflejos rubios en tu pelo.
El temblor de tus dedos en torno a mi boca.
El largo cuello de cisne que zozobraba en el mar y dejaba tras él
Una lluvia de bruma y de espuma en las rompientes. Del olvido, incluso, me acordaba. Del sabor de la sangre. Del asco de mi infancia.
Yo era un cadáver, y tú clavabas más tu ojo. En mis entrañas. Pero te equivocabas, yo aún era algo. Ese dedo, putrefacto, tendido hacia el cielo.
Una raíz que une la tierra a las estrellas. Una uña cubierta de barro que se clava en tu ojo. Lo revienta.
¡Revienta, carroña!
CATHERINE ANDRIEU (Francia)
Dos poemas extractos de “Nouvelles lunes”, Ed.
du Petit Pavé, 2013
Déni
Depuis combien de temps le sang n’a-t-il ruisselé entre tes cuisses ?
Le phantasme de la mère plane qui te battait et t’enfermait dans le placard.
Toi, petite sœur, seule dans le noir, les yeux ouverts pupilles bicolores
Tu criais. Moi, je te serrais contre moi tant et tant à t’étouffer.
Tu te taisais alors. Et puis c’étaient pour moi les longs couloirs blancs
Les portes battantes les chambres d’isolement fermées à double tour.
Les palpations et les électrochocs. Les questions sans réponses.
L’haldol.
Le phantasme de la mère plane qui finissait les bouteilles et cassait le verre
Contre tes poignets. Tu te taisais encore.
J’étais derrière ton mur de silence les prunelles décolorées à l’écoute
De la nuit qui avançait sur le crépuscule, de la haine qui l’emportait sur la nuit.
Et j’invoquais l’ange de lumière dans des éclairs rouges et noirs, la terre
Humide qui gronde et crache les corps qu’elle absorbe en gerbes sulfureuses.
Tu vomissais des territoires entiers que je recueillais en mes mains de
Géographe.
Je te lisais les Chants de Maldoror. J’allumais des bougies et faisais des
Incantations. Des messes noires. Pour qu’elle te laisse enfin, elle, la folle
Qui détruisait tes paysages d’un seul regard de lave incandescente.
Petite sœur, mon ange, je t’avais invoquée car comme toi j’étais déchue
De n’avoir connu que la colère et la honte. La révolte d’être vivante et de voir
Du don de double vue.
Depuis combien de temps l’eau n’a-t-elle ruisselé sur tes cuisses ?
Je voulais te protéger de la nuit qui avance sur le crépuscule, de la haine
Qui l’emporte sur la nuit.
Mais le mur est là, entre toi et moi
Entre moi et moi.
Et ce sont les longs couloirs blancs et les trousseaux de clés.
Les cachets que j’absorbe et qui font vaciller ton image. Cet homme-là, en blanc, qui me dit qu’il y a trois ans Que tu es morte.
Charogne
Tu me fouillais, ton œil au bout du sexe. Moi, exhumée de la terre humide, froide. Les restes de ce qui était moi. Une charogne.
Tu lissais mon crâne chauve entre tes mains.
J’avais bu le philtre, revenir c’était pour toujours, même d’entre les morts.
Revivre la même scène.
Y être condamnée.
Tu contemplais mes orbites, te perdais en divinations.
L’œil au bout du sexe. Ouvert.
La pupille, fente verticale, était éclaboussée de lune.
Tel un vaisseau de mort sur les flots d’argent du fleuve de l’oubli.
Je ne pouvais te voir, car je n’avais plus d’yeux. Mais ma mémoire bafouée était intacte. J’étais ta
chose, et tout mon corps dispersé, immobile.
Je ne sentais pas, mais me souvenais de tout. Du viol, cette nuit là. Du bruissement dans les arbres. Des reflets blonds dans tes cheveux.
Du frémissement de tes mains autour de ma bouche.
Du long cou du cygne qui sombrait dans les flots et laissait derrière lui
Une pluie de brume et d’écume en vagues déferlantes. De l’oubli, même, je me souvenais. Du goût du sang. Du dégoût de mon enfance.
J’étais un cadavre, et tu enfonçais encore ton œil. Dans mes entrailles. Mais tu te trompais, j’étais encore quelque chose. Ce doigt, putride, tendu vers le ciel.
Une racine qui relie la terre aux étoiles. Un ongle couvert de boue qui s’enfonce dans ton œil. Le crève.
Crève, charogne !