ERIKA MARTINEZ

 Poemas de “Chocar con algo”,

Pre-Textos, Valencia (España), marzo de 2017

MORIR  EN  CHILE

Nunca me lo dijiste en Atacama.

Ni siquiera cuando nos refugiamos

en una choza construida

a base de paja, barro y clichés.

Luego te fuiste, ¿adónde íbamos?

Hay culturas que colapsan

siu dignarse a legar explicación.

Nos pasábamos el día conversando

y cada noche mientras dormíamos

nuestras mochilas seguían escuchándose

a través de unos auriculares

tendidos como pelo entre dos tumbas.

A veces nos llega el efecto de algo

que aún no ha sucedido pero bulle.

Si trastorna las etimologías

puedes llamarlo amor.

DESARROLLISMO

Es invierno y la luz escorada enfatiza

el tedio urbano de la costa.

Para darle prestancia al paseo marítimo

han puesto un estanque con patos.

Pero los patos están muertos:

amanecieron flotando a la deriva

como una conversación desganada.

Nadie escuchó los perdigones

(los tractores van y vienen

volcando arena sobre la orilla)

aunque un tipo que hacía footing

los vio pasar dándose aires

con un disfraz ridículo de caza.

Eran, se dice, ellos.

Mientras llega la policía,

un anciano echa pan duro a los patos.

¿Que pensarán antes de irse

los cuerpos que se demoran?

La playa está desierta y los toldos bicolores

agitan sus geometrías baratas.

Ocultando el sonido de las olas,

se escucha ese pitido intermitente

que emite un tractor justo antes

de chocar con algo.

BIBLIOTECA

Si el mundo entero ardiera, la camara blindada aguantaría y, en su interior, los manuscritos. Imagino un paisaje ensimismado, ya sin bosques ni ciudades ni criaturas metabólicas: un no-paisaje.

Hay palabras que mudan de lengua en lengua. ¿Que significarían si no quedara un solo hablante para decirlas? Los libros a expensas del tiempo, alejándose de sus referentes.

Un ojo púrpura custodia el aura de los manuscritos. Si supiera la ciencia fïcción cuánto le queda para alcanzarnos. El porvenir es ese lugar donde se cruzan lo que pensamos, lo que no sabemos que pensamos y la quiromancia. Adónde iré si le susurro a quien soy que se vaya.

HUNDIR  EL  TENEDOR

¿Quién quiere echar en el carrito de la compra un alimento con retina? Hay paz en las bandejas transparentes de carne procesada.

Un plato de comida es abstracto. El corazon de una musa, grotesco (qué ruido hace el desagüe sensiblero de su tórax).

A menudo me repito: debo quitar yo misma la vida que me nutre. Pero siempre confundo el protocolo.

Mi madre desnucaba a los conejos que sus pacientes nos regalaban. Creo en la feminidad de su poética y en la fiesta de aquello que respira.

¿No tiene el karma forma de joroba?

Escribir da tanto miedo como hundir el tenedor en algo que te sostiene la mirada.

ERIKA MARTINEZ

Poèmes extraits de “Chocar con algo” Ed. Pre-Textos, Valencia (Espagne), mars 2017

Traduction de Miguel Ángel Real

MOURIR AU CHILI

Jamais tu ne me l'avais dit à Atacama.

Même pas quand nous nous réfugiâmes

dans une cabane construite

à base de paille, de boue et de clichés.

Ensuite tu es parti, où allions-nous?

Il y a des cultures qui s'écroulent

sans daigner laisser une explication.

Nous passions nos journées à parler

et chaque nuit pendant que nous dormions

nos sacs à dos nous entendaient encore

à travers des écouteurs

tendus comme des cheveux entre deux tombes.

Parfois il nous arrive l'effet de quelque chose

qui n'est pas encore arrivée mais qui bout.

Si cela bouleverse les étymologies

tu peux l'appeler amour.

DEVELOPPEMENT

C'est l'hiver et la lumière décalée souligne

l'ennui urbain de la côte.

Pour donner de la prestance à la promenade maritime

on a mis un étang avec des canards.
Mais les canards sont morts:

au petit jour ils flottaient à la dérive

comme une conversation lasse.

Personne n’entendit les plombs

(les tracteurs vont et viennent

en versant du sable sur la rive)

même si un type qui faisait du footing

les vit passer en se vantant

avec un déguisement ridicule de chasse.

C'étaient eux, dit-on.

En attendant la police

un vieillard lance du pain dur aux canards.

Que penseront avant de partir

les corps qui s'attardent?

La plage est déserte et les stores bicolores

secouent leurs géométries bon marché.

Occultant le son des vagues,

on entend ce sifflement intermittent

qu'émet un tracteur juste avant

de heurter quelque chose.

BIBLIOTHEQUE

Si le monde entier brûlait, le coffre-fort résisterait et, en son intérieur, les manuscrits. J'imagine un paysage songeur, enfin sans forêts ni villes ni créatures métaboliques: un non-paysage.

Il y a des mots qui muent de langue en langue. Que signifieraient-elles s'il ne restait pas un seul locuteur pour les dire? Les livres aux dépens du temps, s'éloignant de leurs référents.

Un œil pourpre veille sur l'aura des manuscrits. Si la science-fiction savait le temps qu'il lui reste pour nous atteindre. L'avenir est cet endroit où s'entrecroisent ce que nous pensons, ce que nous ne savons pas et la chiromancie. Où irais-je si je murmure à qui je suis de partir.

ENFONCER LA FOURCHETTE

Qui veut mettre sans son caddie un aliment avec de la rétine? Il y a la paix sur les plateaux transparents de viande transformée.

Une assiette de nourriture, c'est abstrait. Le cœur d'une muse, grotesque (quel bruit fait le déversoir mièvre de son thorax).

Soudain je me le redis: je dois enlever moi-même la vie qui me nourrit. Mais je me trompe toujours sur le protocole.

Ma mère brisait le cou des lapins que ses patients nous offraient. Je crois à la féminité de sa poétique et à la fête de ce qui respire.

Le karma n'a-t-il pas une forme de bosse?

Écrire fait aussi peur que plonger sa fourchette dans quelque chose qui tient ton regard.