JEAN JACQUES BROUARD
Canicule
Traducción de Miguel Ángel Real
Ta voix est maintenant plus claire
Le poème sera mieux dit qu’avant
Le chant plus fort et plus claquant
Dans l’air tendu comme un tambour
Sous le soleil cuit dorent les feuilles vierges
Pour le jeteur d’encre et le montreur de rêves
Sept heures sonnent à l’église du bourg
Sept taches donnent à l’informe des contours
Les pies jacassent comme des sorcières
L’herbe crisse sous les pieds gauches
Les oiseaux caressent la harpe des bois de leurs ailes noires
Les montagnes opalescentes dansent dans le brasier des vagues
Blessure de la liberté de flâner sans créer
Même si tout redevient possible dans le dédale du langage
L’extase est molle et la sérénité est la limite
L’angoisse, elle vient le soir, quand pousse le silence des ombres
Et que la solitude te mord le cœur
Le désir de vague alors se fait plus fort
Un picotement dans le jarret
Qui te pousse à courir vers les ports
Pour entendre toute la musique du monde
Pour donner de la voix
Dans le vent d’Ouest qui galope sur la baie
Un soleil mercuriel à t’arracher l’âme
De la musique à te faire croire au bonheur
Un millier d’esquifs sous l’œil, immobiles,
Les cornemuses de l’au-delà des mers qui mugissent à l’orient
Quand les bateaux quittent le port, des marins hurlent dans leur lit,
Pris par la fièvre des sirènes sans hommes
Cheveux de déesses dans les caisses à poisson
Lions de mer et chevaux océans
Malgré les fables du fond des bars
Et les lubies du poète saoul
Le monde garde sa beauté
Hésitation entre la jouissance et l’extase
Le soleil entraîne à la danse et aux libations
Les nuages à la méditation et aux rêves
La nuit à l’amour et aux fantasmes
L’aube à la création
Canícula
Tu voz es ahora más clara
El poema se dirá mejor que antes
El cántico más fuerte y más restallante
En el aire tenso como un tambor
Bajo el sol ardido se tuestan las hojas vírgenes
Para el echador de tinta y el que muestra los sueños
Dan las siete en la iglesia del pueblo
Siete manchas le dan contornos a lo informe
Las urracas graznan como brujas
La hierba cruje bajo el pie izquierdo
Los pájaros acarician el arpa de los bosques con sus alas negras
Las montañas opalescentes bailan en la hoguera de las olas
Herida de la libertad, errar sin crear
Aunque todo se hace posible en el dédalo del lenguaje
El éxtasis es blando y la serenidad es el límite
La angustia llega de noche, cuando crece el silencio de las sombras
Y la soledad te muerde el corazón
El deseo de ola se hace pues más fuerte
Un picor en las corvas
Que te empuja a correr hacia los puertos
Para oír toda la música del mundo
Para levantar la voz
En el viento de oeste que galopa en la bahía
Un sol tan mercurial que te arranca el alma
Una música que te hace creer en la felicidad
Un millar de esquifes a la vista, inmóviles,
Las cornamusas de allende los mares que mugen en oriente
Cuando los barcos dejan el puerto, los marinos aúllan en sus camas,
Atrapados por la fiebre de las sirenas sin hombres
Cabellos de diosas en las cajas de pescado
Leones marinos y caballos oceánicos
A pesar de las fábulas al fondo de los bares
Y los caprichos del poeta ebrio
El mundo guarda su belleza
Duda entre el gozo y el éxtasis
El sol nos lleva a la danza, a las libaciones
Las nubes a la meditación y a los sueños
La noche al amor y a las fantasías
El alba a la creación
HISTORIQUE DES QUETES
J'ai fouillé jusqu'aux entrailles les regards des animaux morts
J'ai cherché vérités et noumènes
Amers
Bornes
Jalons
Stûpas
J'ai touché du regard les monuments du monde
Et posé mes mains moites sur le grain sec des pierres friables
Signes minéraux
Repères de la mémoire qui détiennent l'insignifié
Mémorial
Œuvres vives de passants ciselées par les vents
Et dont le nom est noyé dans les sables
Oui, j'ai embrassé les arbres dans les deux mondes
Ceux qui marient le rêve à la conscience
L'air à la Terre
Le royaume des vivants à l'empire des morts
L'apparence à d'éternels mystères
Les étoiles à la chair aveuglante du magma
L'épicentre à l'écliptique
Le vent à l'eau
L'Homme à son origine
Créatures des deux sexes
Mâle et femelle
Levain et pâte non-levée
Forme et matière
Père nourricier chargé de fruits
Mère infanticide parée de pendus
Maternelles ramures qui dispensent ombre et fraîcheur
Paternelles cimes qui séduisent la foudre et se jouent des artefacts
Douceur de la feuille
Rigueur de l'écorce
Femme dans l'arrondi fécond des branches
Homme dans la raideur pénétrante du tronc
Arbres grands signes d'amour et de fertilité
Bornes du passé
Jalons du futur
Présent désert espace
Amers idéographiques
Signaux en arabesques de l'eau qui palpite au ventre du continent
Fantômes le jour
Spectres la nuit
Corps et membres
Formes et âmes
Arbres arbres Ô arbres !
Nos bouches sont indignes de vous nommer
Car vos noms sont du domaine cosmique
Comme le craquement des galaxies
Comme les crépitements des étoiles
Comme le souffle rauque du vent de mer
Comme le vacarme de l'océan
Comme l'éclatement noir de l'orage
Comme le hurlement du typhon
Comme le rugissement du dragon
Comme le tremblement de la terre
Comme le silence originel
Une fois produit par
L'écrivain
Le scripteur
L'émetteur
Le nègre
Le démiurge
L'alchimiste du verbe
Le forgeur de mots
L'excréteur de sens
Le prolétaire à la ligne
Le veilleur de l'aube
Le langagier
Le poète
Le texte rameau pousse sans cesse
secrète du sens et engendre du texte
darde l'esprit de ses branches
Des praticiens de la poétique, en mal d'exégèse et d'érudition,
se changent en maïeuticiens ou en forestiers
Puis, le lecteur vient danser dans le sous-bois
Les arabesques de sa transe
Et embrasser le tronc ancestral
Et boire la sève nourricière
Sa chevelure se mêle aux frondaisons
Je suis un arbre qui marche et qui noircit ses feuilles
HISTORIAL DE BÚSQUEDAS
Escarbé hasta las entrañas en las miradas de los animales muertos
Busqué verdades y noúmenos
Amargos
Hitos
Jalones
Stupas
Toqué con la mirada los monumentos del mundo
Y puse mis manos sudorosas sobre el grano seco de las piedras friables
Signos minerales
Marcas de la memoria que contienen lo insignificado
Memorial
Obras vivas de transeúntes cincelados por los vientos
Y cuyo nombre está ahogado en las arenas
Sí, abracé los árboles en los dos mundos
Los que casan el sueño y la conciencia
El aire a la Tierra
El reino de los vivos al imperio de los muertos
La apariencia a eternos misterios
Las estrellas a la carne cegadora del magma
El epicentro a la eclíptica
El viento al agua
El hombre a su origen
Criaturas de ambos sexos
Macho y hembra
Levadura y masa sin levantar
Forma y materia
Padre nutricio cargado de frutas
madre infanticida ataviada con ahorcados
Maternales ramajes que reparten sombra y frescor
Paternales cimas que seducen al rayo y se burlan de los artefactos
Suavidad de la hoja
Rigor de la corteza
Mujer en la redondez fecunda de las ramas
Hombre en la rigidez penetrante del tronco
Arboles grandes signos de amor y fertilidad
Hitos del pasado
Jalones del futuro
Presiente despierto espacio
Amargos ideográficos
Señales en arabescos del agua que palpita en el vientre del continente
Fantasmas de día
Espectros de noche
Cuerpo y miembros
Formas y almas
¡Arboles árboles oh árboles !
Nuestras bocas no son dignas de nombraros
Pues vuestros nombres son del ámbito cósmico
Como el crujido de las galaxias
Como la crepitación de las estrellas
Como el soplo ronco del viento marino
Como el estrépito del océano
Como el estallido negro del temporal
Como el aullido del tifón
Como el rugir del dragón
Como el temblor de la tierra
Como el silencio original
Una vez producido por
El escritor
El escribano
El emisor
El negro
El demiurgo
El alquimista del verbo
El forjador de palabras
El excretor de sentidos
El proletario aislado
El sereno del alba
El lingüista
El poeta
El texto ramo crece sin cesar
secreta sentido y engendra texto
lanza dardos al espíritu con sus ramas
Poetastros carentes de exégesis y de erudición
volviéndose mayéuticos o guardas forestales
Y después el lector viene a bailar al claro
Los arabescos de su trance
Y a abrazar el tronco ancestral
y a beber la savia nutricia
Su melena se mezcla con la frondosidad
Soy un árbol que anda y ennegrece sus hojas