NIEVES ÁLVAREZ
Traduction par Miguel Ángel Real
Poèmes du livre “Cercana lejanía / Closer farness”,
de Nieves Álvarez y Bina Sarkar Ellias. Edition bilingue anglais-espagnol.
Ed. Lastura, 2020
CHIFFRES
Les chiffres nous envahissent
avec leur couleur de sang et de paradis.
Les personnes sont des chiffres,
les animaux sont également des chiffres,
les mots d'amour et les promesses
que personne ne tient jamais :
recycler les ordures,
ne pas gaspiller l'eau,
protéger les oiseaux,
ne pas mettre le feu aux bois
-même si les commanditaires payent très bien-,
ne pas abandonner les chiens
ni les vieilles personnes qui à présent sont encombrantes
mais qui depuis toujours nous ont tout donné.
Les chiffres sont fatigués de compter
et les comptables font brûler à l'unisson
toutes les touches des calculettes
et le gaspillage des calculs
dans le rite cruel des suicides.
Les chiffres de la vie sur la planète sont dans le rouge.
Un vert continent de plastique et de rage
avance sur la mer des malheurs
réclamant aux morts et aux vivants
sa place dans l'histoire.
Les poissons se nourrissent
de notre déraison
et attachée à leur tristesse, ils ont
le poison qui porte notre nom.
Nous le savons, nous le commentons peut-être,
mais nous ne faisons rien et les chiffres de la planète
sont toujours dans le rouge.
NÚMEROS
Nos invaden los números
con su color de sangre y paraíso.
Las personas son números,
números son también los animales,
las palabras de amor y las promesas
que nadie cumple nunca:
reciclar la basura,
no derrochar el agua
proteger a los pájaros,
no prender fuego al monte
-aunque paguen muy bien quienes lo ordenan-,
no abandonar a perros
ni a personas mayores que ahora nos estorban
y nos lo dieron todo desde siempre.
Los números se cansan de contar
y los contables queman al unísono
todas las teclas de calculadoras
que derrochan los cálculos
en el rito cruel de los suicidas.
La vida en el planeta está en números rojos.
Un verde continente de plásticos y rabia
avanza por el mar de las desdichas
reclamando a los muertos y a los vivos
su lugar en la historia.
Los peces se alimentan
de nuestra sinrazón
y llevan amarrada a su tristeza
el veneno que tiene nuestro nombre.
Lo sabemos, tal vez lo comentemos,
pero no hacemos nada y el planeta
sigue en números rojos.
FEMME
Que veux-tu que je te dise,
ta peau et ta tendresse sentent la peur,
tu baisses le regard et le sol
est ta patrie et ta vérité.
Ne t'abaisse pas, ne cache pas
tes seins volumineux,
ton visage souriant,
ta beauté infinie,
tes envies de vivre.
La perception de l'autre t'incommode-t-elle,
ses paroles t'agressent,
ses instincts assassins te violent,
sa religion te condamne peut-être ?
Ne permets pas qu'on gâche ta vie,
qu'on parle pour toi,
qu'on embrasse avec tes lèvres,
qu'on utilise ton nom.
N'arrête pas d'être toi.
MUJER
Qué quieres que te diga,
huele a miedo tu piel y tu ternura,
oblicuas la mirada y es el suelo
tu patria y tu verdad.
No te agaches, no escondas
tus pechos abultados,
tu cara sonriente,
tu belleza infinita,
tus ganas de vivir.
¿La percepción del otro te incomoda,
te agreden sus palabras,
te violan sus instintos asesinos,
te condena tal vez su religión?
No permitas que te amarguen la vida,
que hablen por tu boca,
que besen con tus labios,
que utilicen tu nombre.
No dejes de ser tú.
SOUVENIR PASSAGER
Nous jouions à faire la ronde, aux poupées,
aux osselets, aux petits chevaux, à mon petit œil voit
et on rêvait sans compter
quand les trains passaient, et nous agitions
notre mouchoir de lin et ses dentelles,
avec nos chaussures vernies,
une pluie d'étoiles
et quelques gouttes de magie sur le nez.
Personne ne nous avait dit que la vie était autre chose,
que les larmes étaient la pluie des jours sombres,
que grandir était une façon de vivre
sans quitter l'enfance
et qu'un jour les poèmes garderaient
la douleur et l'angoisse
dans des boîtes en cristal.
RECUERDO PASAJERO
Jugàbamos al corro, a las muñecas,
las tabas, el parchís, el veo-veo
y los sueños —sin nombre—
de ver pasar los trenes agitando
el pañuelo de lino con puntillas,
zapatos de charol,
lluvia de estrellas
y unas gotas de magia en la nariz.
Nadie nos dijo nunca que la vida era otra,
que el llanto era la lluvia de los días oscuros,
crecer era una forma de vivir
sin salir de la infancia
y un día los poemas guardarían
el dolor y la angustia
en cajas de cristal.
QUESTIONS SUCCESSIVES
Quelqu'un peut me dire où est-ce que je trouve
la phrase pertinente, le cataplasme fertile,
le remède précis contre la mer qui fait mal ?
Est-ce que quelqu'un sait guérir les hématomes
qui naissent dans la poitrine des oiseaux de passage
tout comme les morts respirent sur l'eau ?
Est-ce que quelqu'un connaît un vers, le mot précis,
l'adverbe, l'adjectif ou le pronom personnel
qui efface les chagrins échoués sur le sable ?
Est-ce que quelqu'un a la lettre décisive,
cette lettre capable de rendre visible
ce que personne ne semble vouloir voir ?
Est-ce que quelqu'un peut me dire en quelle langue
on nomme la tristesse, les soupirs de fond
de la mer Méditerranée, la force de la lumière ?
Est-ce que quelqu'un a chez lui les étreintes qui manquent,
les silences en trop, les mains généreuses,
l'accueil sûr du temps de vivre ?
PREGUNTAS SUCESIVAS
¿Alguien puede decirme dónde encuentro,
la frase pertinente, la cataplasma fértil,
el remedio preciso para el dolor de mar?
¿Alguien sabe curar los hematomas
que nacen en el pecho de las aves de paso
lo mismo que los muertos respiran sobre el agua?
¿Alguien conoce un verso, la palabra precisa,
el adverbio, adjetivo o pronombre personal
que redime tristezas varadas en la arena?
¿Alguien tiene la letra decisiva,
esa letra capaz de hacer visible
lo que nadie parece querer ver?
¿Alguien puede decirme en qué idioma
se nombra la tristeza, los suspiros de fondo
del mar Mediterráneo, la fuerza de la luz?
¿Alguien tiene en su casa los abrazos que faltan,
los silencios que sobran, las manos generosas,
la segura acogida del tiempo de vivir?