Traducción de Miguel Ángel Real


CHRISTOPHE DEKERPEL

Confinement sans toi

Quinze jours sans ta peau

Je cherche ton visage dans la nuit

Cherche ton souffle

Je m’éveille sous le cri des oiseaux

J’ai le coeur en hiver

Je tourne

Je relis les mêmes phrases

Écris les mêmes mots

Et  «derrière ma fenêtre

M’endors, peut-être»

Confinamiento sin ti

Quince días sin tu piel

Busco tu rostro en la noche

Busco tu aliento

Despierto bajo el grito de los pájaros

Mi corazón hiberna

Doy vueltas

Vuelvo a leer las mismas frases

Escribo las mismas palabras

Y “detrás de mi ventana

Me duermo, tal vez”

**

À l’heure où les fenêtres s’illuminent,

où le ciel, lassé d’être bleu pour personne, embrasse la nuit

et accouche de ses premières étoiles,

j’ouvre mon Velux et me  déconfine

animal, de toit en toit,

descends par la gouttière,

me couche dans l’herbe  fraîchie,

lape l’eau de la mare aux grenouilles

me saoule de bourgeons enfantés

que je suce avidement,

alors défoncé, je voyage

jusqu’à l’aube nouvelle

où je redeviens homme en cage.

En la hora en que las ventanas se iluminan,

cuando el cielo, cansado de ser azul para nadie, besa la noche

y da a luz sus primeras estrellas,

abro mi Velux y me desconfino

animal, de tejado en tejado,

bajo por el canalón,

me acuesto sobre la hierba fresca,

lamo el agua de la charca de las ranas

me emborracho con brotes nacidos

que chupo con avidez

y colocado, viajo

hasta el alba nueva

donde vuelvo a ser un hombre enjaulado.

**

De ma fenêtre

Il se marre

Il se marre et il me nargue

Moi, confiné

Lui, libre

Les bras levés vers le ciel

Je m’enracine dans mon 40m2

Lui ne s’est jamais aussi bien senti

Loin des gaz de nos foutues bagnoles

J’accepte qu’il se rie de moi

Et, quand nous serons libres

J’irai lever les bras vers les cieux

Avec lui.

Desde mi ventana

Se ríe de mí

Se ríe de mí y me provoca

Yo, confinado,

Él, libre

Con los brazos levantados hacia el cielo

Echo raíces en mis 40 m2

Él nunca se sintió tan bien

Lejos del gas de nuestros malditos coches

Acepto que se ría de mí

Y cuando seamos libres

Iré a levantar mis brazos hacia los cielos

Con él.

– – – – – – – – –

SÉBASTIEN KWIEK

Il n’y a plus d’avion Plus de ligne dans le ciel L’arrière-fond des réacteurs s’est tu

Londres New York Shanghai Dans le très proche tout paraît désormais si loin

L’horizon est redevenu cette porte d’imaginaire au-delà du visible

La fenêtre les oiseaux le jardin ont repris leurs fonctions

Les heures et les jours sereinement se confondent

Même la télévision peine à faire illusion

Quelque chose au fond de nous

Enfoui par le monde-écran

Dans l’évidence

Réapparaît

|Chut|

Ya no hay aviones Ni líneas en el cielo El trasfondo de los reactores se ha callado

Londres Nueva York Shangai En lo inmediato todo parece ahora tan lejos

El horizonte ha vuelto a ser esa puerta imaginaria más allá de lo visible

La ventana los pájaros el jardín han retomado sus funciones

Las horas y los días serenamente se confunden

Hasta a la televisión le cuesta dar el pego

Algo en el fondo de nosotros

Sepultado por el mundo-pantalla

En la evidencia

Reaparece

|Calla|

**

Séparation 6

Ok  Google | que penses-tu  de la séparation ?

> Je réfléchis ù la manière de me rendre plus utile. Que puis- je faire pour vous ?

Ok  Google | que penses-tu  de la poésie ?

> Bien sûr, et vous pouvez me demander de vous réciter un poème, si vous voulez.

Ok  Google | donne-moi  des idées pour écrire un poème.

> Je ne sais pas comment vous aider là-dessus malheureusement.

[Silence  humain déconcerté et chants d’oiseaux en arrière-fond]

Ok  Google |  que penses-tu  du confinement?

> Je pensais à vous. Une personne aussi exceptionnelle que vous, tous les assistants en rêvent.

Ok moi-même |  et si on décampait au jardin ?

Separación 6

Ok Google | ¿qué piensas de la separación?

> Pienso en cómo puedo ser más útil. ¿Qué puedo hacer por ti?

Ok Google | ¿qué piensas de la poesía?

> Por supuesto, y puedes pedirme que te recite un poema si quieres.

Ok Google | dame ideas para escribir un poema.

> Desgraciadamente no sé cómo ayudarte.

[Silencio humano desconcertado y cantos de pájaros como tela de fondo]

Ok Google | ¿qué piensas del confinamiento?

> Pensaba en ti. Todos los asistentes sueñan con una persona tan excepcional como tú.

Ok yo | ¿y si nos fuéramos al jardín?

**

Evaporation 5

Plus je disparais au monde

Plus les traces de mes pas

Apparaissent dans le jardin

Ce sont comme des veines

Comme les animaux peuvent en faire

Dans la plaine vive des grands espaces

Ici brille l’heureux paradoxe du confinement

Dans l’apparente étroitesse d’un terrain clos

Quelques sentes retrouvées

Du vrai chemin

Evaporación 5

Cuanto más desaparezco del mundo

Más aparecen en el jardín

Las huellas de mis pasos

Son como venas

Como las que pueden hacer los animales

En la llanura viva de los grandes espacios

Aquí brilla la feliz paradoja del confinamiento

En la aparente estrechez de un terreno cerrado

Algunas sendas recobradas

Del camino auténtico

– – – – – – – – – – – –

ANTOINE MAINE

J’ai fait le tour par la gare. Depuis la passerelle, j’ai aperçu les voies ferrées.

Je  me suis demandé si l’herbe poussait déjà sur le ballast entre les rails. J’ai vu les trains qui ne partaient pas, les quais déserts. Nul amoureux nulle amoureuse venus là, figés dans l’attente de l’autre, avec le coeur qui bat boum boum.

Je me suis demandé si l’herbe poussait aussi sur les amours abandonnées.

He dado la vuelta por la estación. Desde la pasarela, he divisado las vías del tren.

Me he preguntado si la hierba crecía ya sobre el balasto entre los raíles. He visto los trenes que no salían, los andenes desiertos. No ha venido ningún enamorado, ninguna enamorada, inmóviles esperando al otro, con el corazón que late bum bum.

Me he preguntado si la hierba crecía también sobre los amores abandonados

**

Jour à jour avons soustrait

dix doigts puis deux mains

autant de bras puis une bouche

retiré deux lèvres

et langue souvent tournée

dans un sens et dans l’autre

pour en mieux saisir la parole

reste à peine de quoi

épauler le matin qui déjà se pose

sur les appuis de nos fenêtres

Día a día hemos restado

diez dedos y dos manos

los mismos brazos y una boca

quitamos dos labios

nos mordemos a veces la lengua

en un sentido y luego en el otro

para atrapar mejor la palabra

a penas queda con qué

respaldar a la mañana que se posa ya

sobre el alféizar de nuestras ventanas

**

Bientôt dans la nuit

sur la pointe de leurs pieds nus

les pangolins rejoindront

les grandes forêts inconnues

ils quitteront nos mémoires

retrouveront leur pangoline

dans une petite casbah

de mousse et de fougères

et jusqu’à l’aube alors

ce ne sera plus mes amis

que sexe et rigolade

Pronto durante la noche

sobre la punta de sus pies descalzos

los pangolines volverán

a los grandes bosques ignotos

abandonarán nuestras memorias

se reunirán de nuevo con su pangolina

en una pequeña ciudadela

de musgo y helechos

y hasta el amanecer

sólo habrá, amigos,

sexo y risas

– – – – – – –

RAMIRO OVIEDO

Je touche du bois

j’ai toujours été confiné

ainsi ce cache-cache sordide

ne change en rien ma routine

je lis

je rêve je m’énerve

je laisse pour le mois prochain

ce que je pourrais faire demain

mon visage est blanc jaunâtre

(pénurie? inanition? soif inassouvie?)

et quand d’un coup je pense à la mort

je touche du bois

Toco madera

siempre estuve confinado

así que este sórdido jugar al escondite

no cambia en nada mi rutina

leo

sueño me altero

dejo para el mes que viene

lo que podría hacer mañana

mi rostro está blanco amarillento

(¿penuria? ¿inanición? ¿sed insatisfecha?)

y cuando de golpe pienso en la muerte

toco madera.

**

Poète confirmé

jour après jour

avec les cui-cui des rouges-gorges

les sifflets des merles qui passent me  voir

les pétales du cerisier en fleur

je fais des aérolites

je fabrique de l’air

pour soulager le cafard de la tribu

je cultive Facebook

je sème des vers

et sans faire la quête

je récolte deux likes, trois partages

un commentaire

comme preuve irréfutable de mon existence

Poeta veterano

día tras día

con el pío pío de los petirrojos

los silbidos de los mirlos que pasan a verme

los pétalos del cerezo en flor

hago aerolitos

fabrico aire

para aliviar la depre de la tribu

cultivo Facebook

siembro versos

y sin pedir limosna

cosecho dos me gusta, tres compartidos

un comentario

como prueba irrefutable de mi existencia

**

Attraper l’instant où quelqu’un

ou quelque chose s’efface

(la pluie

la neige

la poésie

l’amour)

sortir le pistolet de la langue

pour écrire en légitime défense

Atrapar el instante en el que alguien

o algo se borra

(la lluvia

la nieve

la poesía

el amor)

sacar la pistola de la lengua

para escribir en legítima defensa)