Traduction par Miguel Ángel Real
EDMONDS
Me ha vencido el sueño mordisqueando el temblor de los abetos
sobre los charcos donde el tren se ahoga horadado de ventanas
sin que nadie agite los brazos; un racimo de marineros disecados
arroja canciones de cinc a la bahía y después de cenar sus esposas
los amarán melancólicas como el día pluvioso en que se conocieron
ante esa casa ronca de madera que huye de mis ojos al despertar.
EDMONDS
Le sommeil a eu raison de moi alors que je mordillais le frisson des sapins
sur les flaques où le train se noie percé de fenêtres
sans que personne ne bouge ses bras; une grappe de marins empaillés
balance des chansons en zinc sur la baie et après le dîner leurs épouses
les aimeront, mélancoliques, comme le jour pluvieux où ils se sont connus
devant cette maison en bois rauque qui fuit mes yeux au réveil.
ULAN UDE
Se escucha un cántico solemne agujereando las paredes,
resquebrajando el paisaje, llenando las botellas. Es un hombre
breve con cuello de cosaco. Su voz sumergida no es suya
sino de la locomotora que cruza en sentido contrario.
Temerario canta hasta hacer desaparecer la siguiente estación.
ULAN UDE
On entend un cantique solennel qui troue les murs,
qui ébrèche le paysage, qui remplit les bouteilles. C’est un homme
bref au cou de cosaque. Sa voix submergée n’est pas la sienne
mais celle de la locomotrice qui nous croise en sens contraire.
Téméraire, il chante jusqu’à faire disparaître la gare suivante.
SAN ANTONIO DE LOS COBRES
Así decidimos perseverar viviendo en el vagón durante días inertes
con las espaldas desvanecidas sobre el asiento y nuestros rostros
calcados ante la delicada polvareda de los cristales. El interventor
colecciona pasajes con forma de mariposa aprisionada de bolsillos.
SAN ANTONIO DE LOS COBRES
Nous décidâmes alors de persévérer, en vivant dans le wagon pendant des journées inertes,
nos dos évanouis sur le siège et nos visages
calqués devant le délicat tourbillon de poussière des vitres. Le contrôleur
collectionne les billets en forme de papillon emprisonné dans les poches.
SPENCER
Entre los hielos arcaicos del glaciar centellean iridiscentes
las promesas de los peces incumplidos, tu reloj de manillas,
mi vestimenta de novia, el silencio prístino de los trilobites,
las rugosidades enfriadas de tu frente que piensa en presente
de subjuntivo. Los icebergs divagan por el lago con la quietud
de los días sin acontecidos. También floto con el noventa por
ciento de mi cuerpo sumergido en la pena de tu inexistencia.
La mañana solidificada espesa todas las sílabas de mis labios
hasta arrojar serena tu memoria al final exquisito del témpano.
SPENCER
Entre les glaces archaïques du glacier scintillent iridescentes
les promesses des poissons inassouvis, ta montre à aiguilles,
ma tenue de mariée, le silence pur des trilobites,
les rugosités rafraîchies de ton front qui pense au présent
du subjonctif. Les icebergs divaguent sur le lac avec la quiétude
des journées où rien n’a lieu. Je flotte aussi avec quatre-vingt dix pour
cent de mon corps plongé dans le chagrin de ton inexistence.
Le matin solidifié rend épaisses toutes les syllabes de mes lèvres
et finit par jeter sereinement ta mémoire vers la fin exquise du bloc de glace.
– © Ed. Eolas, 2019